Après quinze années d'absence scénique, une carrière ponctuée de succès commerciaux et de frasques, le chanteur pop britannique est ce soir et demain à Bercy dans un show enlevé.
George Michael, gloire et déboires
Par Gilles RENAULT
QUOTIDIEN : Lundi 9 octobre 2006 - 06:00
envoyé spécial à Lyon
George Michael En concert au Palais omnisports de Paris-Bercy, 75012, ce soir et demain, 20 heures (complet). A Amnéville (le Galaxie), le 13 octobre. CD best of «Twenty Five», Epic (sortie le 13 novembre).
Lundi dernier, costume noir, dents blanches et lunettes entre les deux, il répond à l'heure convenue (20 h 30) à l'exaltation de la halle Tony-Garnier de Lyon. Plusieurs milliers de fans, majoritairement générationnels, mais qui, presque tous, le découvrent sur scène, lui qui n'a pas daigné donner le moindre show depuis une quinzaine d'années et qui revient néanmoins en performer-né, avec son enfilade de refrains propices aux déhanchements.
Idole fébrile. Plus tôt dans la matinée, une dépêche était pourtant tombée : «Le chanteur pop britannique George Michael a été interpellé après avoir été retrouvé évanoui dans sa voiture, apparemment en possession de drogues, pour la deuxième fois cette année. La police a été appelée à 2 h 20 GMT dimanche, le chanteur bloquant la route au niveau d'un feu rouge dans le nord de Londres. Il a été trouvé affalé sur son volant et interpellé, soupçonné de ne plus être en état de conduire... George Michael a ensuite été hospitalisé, a reçu un avertissement de la police, puis a été libéré sous caution dans l'attente d'une enquête complémentaire...»
Ainsi va la vie. La sienne du moins : Docteur Michael et Mister Panayiotou. Colosse aux pieds d'argile, juché sur 85 millions de disques vendus en vingt-trois ans de carrière et capable de trébucher dans le caniveau, où le débusque à intervalles réguliers la presse du même acabit. Plénipotentiaire de la pop FM dont les aubades ont longtemps masqué un mal-être dont il ne commença à faire ouvertement état que sur le tard. Emblème de la séduction hétéro, doublement terrassé dans les années 90 par la mort de son compagnon, Anselmo (sida), puis de sa mère vénérée (cancer). Idole fébrile de la variété internationale, qu'on soutient au moins pour la sincérité récurrente avec laquelle il se prend les pieds dans le tapis.
Tricard. Au sommet de sa popularité, George Michael défie l'industrie du disque en général, et Sony, son label, en particulier, qu'il accuse de le traiter en «esclave professionnel». Un procès retentissant a lieu en 1993. Perdu. Celui qui s'imaginait chevalier blanc devient mouton noir. Cinq ans plus tard, le même est arrêté pour attentat à la pudeur dans des gogues où la police de Los Angeles a monté un traquenard le plus pathétique des deux n'étant bien sûr pas celui qu'on croit. En 2002, George Michael éreinte la paire Bush/Blair (qui joue les va-t-en-guerre) et, en retour, se retrouve tricard dans bon nombre d'endroits notamment dans les journaux contrôlés par l'Australien Rupert Murdoch.
Efficacité. Cette année, bien que recasé mariage délibérément médiatisé l'an dernier, en Angleterre, avec Kenny Goss , l'insurgé ne fléchit pas. En février, déjà, la police londonienne le retrouve en vrac, en bordure de Hyde Park. En avril, il «rate» un créneau et, à bord de son 4X4, esquinte trois véhicules en stationnement. Et puis... la musique reprend aussi ses droits : après cinq albums solos (Patience, le dernier en date, renvoie à mars 2004), un best-of postulera dès la mi-novembre pour les listes de cadeaux de Noël.
Surtout, George Michael revient face au public, lui qui, dans le docu-vérité George Michael mon histoire, sorti au cinéma en janvier dernier, ne cachait pas le malaise que lui inspirait la vie de tournée jusqu'à sentir son équilibre mental menacé. Quelles sont les motivations qui l'incitent aujourd'hui à surmonter ses réticences ? Ni les JT du 20 heures ni les plateaux faisandés de la télé-réalité (aussi répugnants que notoirement rentables) n'auront droit aux confidences. Motus. George Michael ne parle pas. Mais il chante. Et bouge. Et incite sa clientèle à faire de même.
A ce sujet, le show 2006 se révèle d'une indéniable efficacité. Bien que vivant rangé des voitures (enfin, on se comprend...) depuis la fin des années 80, le Londonien d'ascendance chypriote grecque n'a pas perdu grand-chose du magnétisme qui faisait défaillir les groupies à l'époque de Wham !, le duo (avec Andrew Ridgeley) des atroces années synthé-pop qui le propulsa au-devant de la scène internationale dès 1983. De Wham !, justement, il est encore question à trois reprises : Everything She Wants, I'm Your Man et bien sûr Careless Whisper et son saxo archétypal, qui ne contribua vraiment en rien au contrôle des naissances, Wake Me Up (Before You Go Go), en revanche, brille par son absence.
George Michael squatte les avant-postes pendant deux heures. Deux fois une heure, plus exactement, puisqu'un entracte de vingt minutes, dûment égrenées par un chronomètre, scinde la prestation. Neuf musiciens et six choristes (noirs), superposés sur trois niveaux latéraux, forment sa cohorte prétorienne, sans jamais lui faire de l'ombre d'autant qu'eux mêmes jouent et vocalisent parfois carrément dans l'obscurité.
Solitude. La partie visuelle consiste en un torrent d'images de synthèse à la fois illustratives et distanciées qui traduisent avec justesse l'état d'esprit de George Michael : moitié artificier sacrifiant au rite glamour de l'office pop, moitié contempteur ironique, jamais dupe du cirque ambiant. Si, juste avant le générique de fin, les lignes serpentines de Freedom scellent ainsi les retrouvailles en un karaoké joyeux et coloré, on est en revanche plus troublé par l'illustration de You Have Been Loved, portraits de groupes (images d'enfance ou de bonheur familial fané) d'où une silhouette à chaque fois disparaît.
Entretemps, il y a aura aussi eu la boule à facette anamorphosique de Fast Love, la surenchère aguicheuse de Faith et la hargne de Shoot the Dog (une poupée gonflable de Bush en train de se faire sucer par le dogue britannique qui remue la queue). Mais aussi, brassant pop, funk, soul et rythm and blues dans une combinaison aléatoire de vitalité (Too Funky) et d'emphase (Jesus to a Child), une singulière et tenace impression de solitude malgré les civilités de rigueur au milieu des acclamations.
Source : Liberation.fr.
http://www.liberation.fr/culture/musique/209313.FR.php